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Le choc sauveur

C’était vers la fin de novembre, vers cinq heures de l’après-midi, à la sortie des bureaux. Un vent froid qui soufflait en rafales, balayait devant lui la première neige. L’air était plein de la chute infinie des petits flocons, charriés, emportés pêle-mêle. La neige s’en allait devant elle, très vite, comme un immense essaim d’abeilles blanches ; puis, sous le vent, elle déviait soudain, tournait sur elle-même en tourbillons, comme un large ruban de tulle léger que la rafale eût tordu. Elle était molle et trempée d’eau. Des enfants dans la rue la saluaient avec joie. Quelques-uns couraient, la bouche ouverte, pour happer la manne humide ; d’autres la ramassaient par terre, la tapotaient, la moulaient dans leurs mains en forme de grenades ; et les blancs projectiles volaient d’un trottoir à l’autre.

Cependant les travailleurs des bureaux, surpris par la tempête, se hâtaient vers leur tramway, frileusement renfrognés dans le col de leur paletot, une toison blanche dans le dos. Au coin des rues Elgin et Sparks, un grand rassemblement s’était fait devant un placard de journal. Pressés les uns contre les autres, les passants