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Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/85

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LE CHOC SAUVEUR

pour son beau-frère, dans le temps où lui-même communiait à la mystique anglo-saxonne, autant, depuis la chute de son illusion, prenait-il en pitié le pauvre assimilé.

La conversation s’engagea tout d’abord sur les banalités du jour. On parla naturellement de la première neige, de sa venue inopinée. Virginia raconta que la poudrerie l’avait surprise en ville, sans fourrures, sans claques.

— Hélas ! mon enfant, la neige, moi, je l’attends toujours ; elle tombe l’été comme l’hiver sur ma tête, gémit Duffin, agitant avec une mélancolie comique, sa haute chevelure blanche.

— L’étonnant, mon cher beau-frère, observa Lantagnac, attaquant une côtelette, c’est qu’elle reste, cette neige, sur une tête effervescente comme la vôtre.

— Mon Dieu, il pousse au moins quelque chose sur ce cratère, riposta l’Irlandais, visant la calvitie envahissante du maître de la table.

— Quelque chose ? rétorqua celui-ci ; oui, une fumée légère !…

— Mais avez-vous aperçu, reprenait Virginia, ces attroupements autour du placard, au coin des rues Elgin et Sparks ? Ou je me trompe fort ou cette démission du sénateur Landry va faire causer beaucoup, ce soir, dans Ottawa.

— Un incident malheureux, tout à fait malheureux ! déclara sur-le-champ Duffin, subitement mis en mauvaise humeur. Si le sénateur