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Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/87

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LE CHOC SAUVEUR

encore le rusé Irlandais joua-t-il la première manche d’une partie qu’il se réservait de gagner plus tard ? Quoi qu’il en soit, Duffin fronça profondément les sourcils, se rejeta les épaules en arrière, d’un mouvement brusque, décidé à l’attaque, et repartit, à demi violent, s’adressant toujours à Virginia, mais parlant en réalité à son beau-frère :

— Voulez-vous que je vous dise, ma fille ? Il y en a beaucoup à Ottawa, et je suis de ceux-là, qui en ont assez de cette agitation scolaire. Depuis quelques semaines nous ne comptons plus les héros. On nous en façonne à la douzaine, à la cinquantaine ; on nous en fait avec des bambins et des bambines de huit et de dix ans.

— Eh ! qui donc ici oblige les enfants à l’héroïsme ? sursauta la jeune fille.

Duffin feignit de ne pas entendre. Il continua :

— Parce que dans une petite école d’une concession de Renfrew ou de Prescott, il prend fantaisie à une institutrice quelconque, poussée, du reste, par quelques meneurs, de vider ses classes à l’arrivée de l’inspecteur du gouvernement, et que les bambins défilent en chantant l’hymne national, ou, au besoin, pour faire la grève de l’école, sautent par les fenêtres, c’est entendu : le lendemain, les gazettes s’emplissent de ces hauts faits ; et elles nous proclament la naissance de quarante ou de cinquante héros nouveaux. N’est-ce pas ridicule à la fin ?