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Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/124

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mes mémoires

dictée de sa conscience, pour s’acquitter de ce qu’il croyait, en toutes lettres, une mission. Combien sont-ils, dans notre passé, les hommes politiques qui aient accroché leur rôle à si haute étoile ?

Le nouveau chef se mit tout de suite à la tâche. Il a tenu, dès le début, à s’assurer l’appui d’un journal quotidien, Le Devoir, il va de soi. La réponse de Georges Pelletier a été prompte, nette : « Aussi longtemps, Maxime Raymond, que vous serez chef du nouveau parti, Le Devoir sera avec vous. » Mais de quel nom décorer la nouvelle formation politique ? Après beaucoup de recherches on finit par s’arrêter à cette appellation : Le Bloc populaire canadien. Car on veut agir sur les deux théâtres : le fédéral et le provincial. On rêve de rassembler, sous la nouvelle étiquette, tous les nationalistes du pays et tous les Canadiens français capables d’indépendance d’esprit et désireux de secouer le joug des vieux partis. Un bureau s’ouvre à Montréal. André Laurendeau en devient le secrétaire. Puis, il faut procéder à la rédaction d’un programme. On y met le temps qu’il faut. Maxime Raymond réunit en comité d’étude ce que nous possédons alors de sociologues et d’économistes réputés et libres d’esprit. Et l’on en revient, en somme, avec quelques nuances et quelques additions commandées par les contingences, au programme si odieusement trahi en 1936. Tout semble marcher à merveille. Dans les cercles, les clubs des vieux partis, la nouvelle formation politique éveille de l’inquiétude. Inquiétude qui se manifeste vive. Des forces jeunes, brillantes se rallient à ce Bloc, le solidifient. Les politiciens, maîtres de la place, devront-ils affronter une fois de plus ce nationalisme toujours renaissant, comme le foie de Prométhée ? Pourtant les vautours croient l’avoir dévoré depuis longtemps et pour jamais. Hélas, il était écrit que l’histoire du Bloc ne serait rien d’autre qu’un épisode mélancolique et même désolant. Épisode propre à tous les mouvements nationalistes du Canada français qu’on dirait victimes implacables d’une sombre fatalité. À peine l’œuvre mise en train, le chef, Maxime Raymond, se voit frappé d’une thrombose coronaire, à bord du train qui l’emporte vers Ottawa. Force lui est de s’arrêter en route et de se faire hospitaliser à Valleyfield en attendant de l’être, pour près de six longs mois, à l’Hôtel-Dieu de