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Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/131

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septième volume 1940-1950

Ne me demandez pas, je vous prie, de travailler à un Ordre nouveau à Québec, sous les ordres d’un fourbe, un salisseur de réputation non seulement de ses compagnons de lutte, mais de grandes dames…

Je refuse catégoriquement d’être commandé directement ou indirectement par M. Édouard Lacroix. Je réclame une main sur les leviers de commande. Si M. Raymond refuse de m’accorder cette confiance, il portera la responsabilité, et non moi, de ce qui adviendra du Bloc…

Je ne vois pas M. le chanoine Groulx écrivant l’histoire sous la dictée de M. l’abbé Maheux, parce qu’il y a des ententes impossibles, même si on a le cœur plein de pardon…

Je ne répondis qu’un mois plus tard, le 25 juillet, à cette lettre de mon ami. Je me sentais tellement déçu, dégoûté de cette lutte pénible entre de parfaits gentilshommes, effrayé surtout des suites désastreuses de cette désunion. Et j’avais hâte de me tirer les mains de cette controverse politique où j’avais conscience de m’être laissé prendre plus qu’il ne fallait. Voici quelques extraits de ma lettre au Docteur :

Ne m’en voulez pas de n’avoir point répondu à votre dernière lettre. Je ne me suis pas senti le courage de le faire. Jamais dans ma vie, si pourtant pleine de déceptions, ― pardonnez-moi de vous le dire ―, les hommes ne m’auront paru si incompréhensibles, ne m’auront tant déçu. L’histoire des nationalistes au Canada depuis quarante ans se continue, semble-t-il, avec ses infinies tristesses. Ils ont compté, dans leur rang et à leur tête, de nobles caractères, de grands esprits, de magnifiques propagandistes d’idées. Dès qu’ils ont abordé l’action politique, ils se sont révélés d’une étrange impuissance, pour ne pas dire davantage. Leur talent a surtout consisté à faire les affaires de l’adversaire. Hélas, voilà quarante ans que les Canadiens français s’abandonnent éperdument au démon de la chicane. Tout porte à croire que l’heure de l’exorcisme n’est pas encore venue.

Non, mon cher Docteur, et je vous l’écris moins fâché qu’affligé, je ne crois pas que l’Histoire vous pardonne votre attitude présente. Elle la jugera sévèrement, comme la jugent déjà la jeunesse et bien d’autres. Votre argument qu’il vous est aussi impossible de collaborer avec M. Édouard Lacroix, en politique, qu’il me le serait de collaborer avec l’abbé Maheux, en histoire, porte à faux. Je ne vous ai point demandé de collaborer avec M. Lacroix. Je vous ai demandé de collaborer avec M.