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Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/141

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septième volume 1940-1950

da et notre incurable étroitesse d’esprit. Une fois de plus, je m’étais donc promis de ne plus recommencer ces sortes d’expériences ou de dialogues de sourds. Le monde « libre » d’aujourd’hui reproche au monde communiste de parler un langage différent du sien. Les mots « liberté », « colonialisme », « droit », « justice » varieraient de sens, non plus en deçà ou au-delà des Pyrénées, mais de chaque côté du rideau de fer. Ce n’est pas d’aujourd’hui que ces oppositions de langage à double sens règnent au Canada. Rien n’est plus difficile à l’Anglo-Saxon, resté insulaire jusqu’en son tréfonds, d’entrer dans la pensée ou dans les sentiments d’un autre que soi-même. Sans doute, ai-je rencontré, dans ma vie, quelques universitaires de plus d’envergure d’esprit, plus noblement compréhensifs. Mais, même en ces milieux, ils sont rares les esprits ouverts et généreux, tels les Rothney, les Stanley, les Burt, les Morton.

Une fois de plus, ma résolution est donc prise : je ne perdrai plus mon temps en ces stupides dialogues. Mon ami, l’abbé d’Eschambault, me force à ravaler ma décision. Pendant mon séjour à Saint-Boniface, un reporter du Winnipeg Tribune vient à l’Archevêché solliciter une entrevue. L’ami d’Eschambault me trouve plus qu’hésitant, mais me presse d’accepter. « Je crois ce Monsieur loyal, m’assure-t-il ; l’occasion est belle pour vous de faire passer bien des choses. » En rechignant j’accepte. Et me voici en présence d’un grand Irlandais, débonnaire, l’air satisfait