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Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/147

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septième volume 1940-1950

à la mode, pas loin de la vogue. On l’enseigne à Montréal, mais aussi à Québec, à l’Université d’Ottawa. J’ai promené un peu partout, dans presque toutes les petites villes du Québec, mon modeste flambeau. Dans les collèges, les couvents, les écoles primaires, l’enseignement de l’histoire canadienne s’améliore. De nos étudiants formés aux universités y prolongent l’enseignement de leurs maîtres. Nombre d’ouvrages ont paru qui n’ont pas manqué de lecteurs. Combien, dans la jeunesse et même parmi les aînés, se plaisent à me remercier de leur avoir restitué leur nation, leur pays ! Encore récemment, dans Le Nouveau Journal (31 mai 1962), Victor Barbeau donnait son propre témoignage : « … sans le chanoine Groulx, j’en serais encore à me chercher nationalement parlant. J’avais besoin de lettres de naturalisation, et c’est lui qui me les a données. J’étais un voyageur sans bagages, et c’est lui qui m’a révélé que je portais mes morts. S’il ne s’agissait que de moi, le fait serait indigne de mention, mais à combien de milliers d’autres n’a-t-il pas découvert la patrie charnelle ! » Joie profonde que j’ai de la peine à comprendre, tant nous échappe l’envolée de ces ondes qui charrient une pensée, une doctrine.

La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a déclenché le branle-bas de 1945. Dans une sorte de manifeste, d’un ton par trop pompeux, le président de ce temps-là, M. Charles-Auguste Chagnon, rappelle l’anniversaire, la carrière de l’historien, et termine par cette sorte d’appel : « Les directeurs généraux de la Société souhaitent vivement voir s’organiser au sein de toutes les sociétés de chez nous, des célébrations qui soulignent cet événement important pour notre race et qui rendent un hommage plus que mérité à notre historien national. » Appel solennel, fatalement entendu. Cinq jours plus tard, le 20 novembre 1945, toutes les Sociétés Saint-Jean-Baptiste du Canada font écho au vœu de la Société de Montréal. Les journaux entrent dans le concert : Le Quartier latin, La Boussole, Le Salaberry de Valleyfield qui rappelle, celui-là, le temps où les collégiens copiaient à la main mon manuel d’histoire du Canada, Le Mégantic, La Patrie, et naturellement Le DevoirM. Héroux raconte mes laborieux débuts d’historien et parle d’« hommage national » (20 juin 1946).