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Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/197

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mes mémoires
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ment, ai-je sollicité le privilège d’ajouter l’enseignement de l’Histoire du Canada, à raison de deux cours par semaine, à ma besogne déjà assez chargée de professeur de latin et de littérature, puis de directeur d’Académie, d’impresario et de répétiteur au théâtre collégial ? Pour quelles raisons ?… J’avoue que je n’en sais rien. En sont cause probablement mes mauvais souvenirs de collégien, l’enseignement déficient que j’avais reçu de l’histoire de mon pays, l’absence alors persistante de manuels pour l’enseignement secondaire, trop facilement satisfait des manuels de l’école primaire ; puis, en regard de cette misère, le réveil nationaliste dans la province, l’irruption de Bourassa dans notre vie politique et nationale, la fondation de la Ligue nationaliste et de son vivant journal aux mains d’Olivar Asselin, la fondation aussi en 1903 et 1904, de l’Association catholique de la jeunesse canadienne-française qui, pour bien servir son catholicisme et l’Église, ne se croyait pas obligée de se forger nationalement une âme neutre ; et, sans doute enfin et pour une grande part, la participation très active de la jeunesse de Valleyfield à la jeune ACJC. Autant de souffles qui avaient réussi à passer à travers les fenêtres du Collège, à moins que ce ne fût par le trou des serrures.

De ce manuel, resté heureusement en manuscrit, manuel en 3 cahiers de 160 pages chacun, je ne vous dirai rien, parce que le mieux que j’en puisse dire, c’est de n’en rien dire. Je constate néanmoins qu’à la première page, je faisais à mes rhétoriciens cette recommandation entre autres : « Étudiez votre histoire ni en badaud ni en chauvin. Pas en badaud, c’est-à-dire sans le magnifique détachement qu’y pourrait apporter un Hindou. Ne soyez pas l’Hermagoras de La Bruyère, fort instruit des histoires étrangères et grossièrement ignorant de l’histoire de son pays. Pas en chauvin. » Après cette phrase en exergue empruntée, je crois, à Alphonse Daudet : « En France tout le monde est un peu de Tarascon », j’ajoutais : « Ne nous faisons pas un patriotisme provocateur. Défendons-nous avec une égale surveillance et une égale énergie du pessimisme et de l’optimisme radical. »

Mon deuxième contact avec l’histoire s’établit sept ans plus tard, alors que j’écrivais Une Croisade d’adolescents, qui parut en 1912. Monographie d’une tranche de vie collégiale, histoire d’un mouvement de jeunesse, entreprise d’apostolat catholique et national au Collège de Valleyfield entre les années 1901 et 1906.