Aller au contenu

Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/333

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
316
mes mémoires

En dépit parfois de l’acquiescement de ses chefs, jamais notre peuple, dans son ensemble, n’a totalement accepté la conquête…

À propos du statut de 1867 :

Il n’y a pas de formes de gouvernement qui tiennent contre le droit à la vie d’une nation… Jamais [et il faut qu’on le sache] nous n’avons voulu d’un État central fort, investi du pouvoir de nous gruger ou de nous broyer dans ses serres… La preuve éclate aujourd’hui sous les yeux de tous : nos folies partisanes n’ont pu amoindrir, encore moins annihiler cette ambition de liberté qui, après une aberration d’un siècle, nous ressaisit soudainement avec une vigueur explosive que nulle puissance politique ou autre ne pourra plus refréner : ambition de posséder un État bien à nous, « expression politique » de la nation canadienne-française : l’État français autrement dit, que j’osais revendiquer il y a quarante ans, et qui me valait alors les épithètes de « séparatiste » ou de révolutionnaire…

Je m’appliquais, cela va sans dire, le slogan, qu’à ce propos, l’on avait lâché dans le peuple, aux récentes élections : « Maître chez soi ! » « Maître chez soi ! Grand mot qu’on ose enfin prononcer. Encore faut-il bien se rendre compte de ce qu’il sous-entend. Être maître chez soi ! Pour une nation parvenue à l’âge viril, ou du moins qui prétend l’être, ce serait, si je ne me trompe, être maître de sa politique, j’entends de son gouvernement, de son parlement, de sa législation, de ses relations avec l’étranger, ne pas subir, en ce domaine, de tutelle indue ; cela veut dire encore, être maître, dans la mesure possible, à l’heure contemporaine, de sa vie économique et sociale, exploiter pour soi et non pour les autres, ses ressources naturelles, toutes ses ressources naturelles, posséder les moyens de financer son administration, ses institutions d’enseignement, de bien-être social ; ces moyens, n’être pas obligé d’aller les mendier chez qui que ce soit. Cela veut dire aussi, pour une nation trop longtemps colonisée, un ressourcement aux fontaines vives de sa culture, une désinfection et un rajeunissement de son esprit ; et cela veut dire enfin, pour une nation chrétienne et même catholique, un abreuvement assoiffé aux sources jaillissantes où, depuis vingt siècles, toute nation affamée de liberté, de fraternité, de grandeur, a trouvé, dans la doctrine du Christ, la plus nourrissante, la plus merveilleuse formule de civilisation… » Je poursuivais par un