Aller au contenu

Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
mes mémoires

m’impose de retenue et de discrétion l’habit que je porte. Je n’oublie point pour autant ce qu’exige parfois de hardiesse légitime le service de la vérité.

Je ne résumerai pas — sinon très rapidement — cette conférence. Après les causes de désunion d’ordre universel ou général — oubli ou négation de Dieu le Père, qui a ruiné la fraternité humaine, destruction de la chrétienté, en particulier par la Réforme qui devait anéantir « la seule vraie tentative » pour reconstituer cette fraternité ―, le conférencier examine d’autres causes et par exemple : l’Histoire. Une histoire partiale qui, selon les bonne-ententistes, se refuserait à un enseignement uniforme d’un océan à l’autre. Histoire, répliquais-je, « passée au rabot ou à la lime », écrite avec une encre « mêlée de miel et d’un peu de suif de mouton ». L’histoire véridique, soutenait encore le conférencier, n’enseigne pas la haine de l’Anglais ; en revanche elle pourrait enseigner l’efficace méthode de travailler à la bonne-entente et qui serait non « de faire, des Canadiens français, un peuple de naïfs et d’esclaves, mais un peuple aux yeux ouverts et d’une échine aussi dure que l’échine anglaise ». La vraie cause de la désunion, serait-ce encore « l’extrémisme » des nationalistes canadiens-français ? Prétention de tous les caudataires de la race anglo-saxonne, au Québec. En pareil cas, M. Omer Héroux avait coutume d’écrire, dans Le Devoir : « Ces extrémistes, nommez-les. » Il ne semble pas qu’on se soit jamais risqué à les nommer. Il était facile au conférencier de répondre à nos « bonne-ententistes » :

Qu’ils nous citent un cas, un seul où la passion nationale nous aurait emportés hors des frontières de la justice et du droit… Extrémistes les Canadiens français ! Je ne connais chez eux qu’une forme d’extrémisme : l’extrémisme dans la candeur et la bonasserie ; l’extrémisme dans l’aplatissement devant l’Anglais. Si nos compatriotes méritent un reproche, ce n’est pas d’avoir la rancune tenace ni le pardon difficile ; c’est d’avoir la mémoire trop courte et de croire ingénument que le coup qu’on leur porte, c’est toujours le dernier.

Mais enfin, où pouvaient donc résider les causes profondes, véritables de la désunion ? Ces causes, partie substantielle de son discours, le conférencier les alignait comme suit : méconnaissance du fait français par la majorité anglaise, mésentente sur la Confédération, sa vraie nature, mésentente sur la patrie, le Canada