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Page:Groulx - Mes mémoires tome IV, 1974.djvu/58

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mes mémoires

quelques extraits de cette conférence ; elle non plus n’a pas trouvé place dans l’un ou l’autre de mes recueils de discours[NdÉ 1]. Elle fait maille néanmoins dans la série des idées qu’alors je m’efforce à jeter dans l’esprit de mes contemporains. Voici d’abord le plan de cette conférence exposé dès le début : « Lorsque nous parlons… de la mission culturelle d’une communauté humaine, que voulons-nous dire exactement ? Quelle est la nature de la haute tâche ? À quelles conditions s’en peut-on acquitter ? Qui, dans la nation, en porte la responsabilité ? [Chez nous] quels obstacles seraient à vaincre ? »

Le 24 juin 1940, le premier ministre du Canada nous avait adressé un message cité au début même de ma conférence : « L’agonie de la France a porté les horreurs de la guerre jusque dans nos cœurs et jusque sur nos rives. Le sort tragique de la France lègue au Canada français le devoir de porter haut les traditions de culture et de civilisation françaises et son amour brûlant de la liberté. Cette nouvelle responsabilité, j’en suis sûr, vous l’accepterez avec fierté. »

Je laisse de côté la part du factice et de l’intérêt politique, en ce discours du grand comédien du parlement fédéral. Tout simplement j’enchaînais :

Il s’agit donc, en tout premier lieu, d’une mission de fidélité au génie français, mais d’une fidélité vivante évidemment, puisque nous avons affaire à un fils de la France, mais à un peuple autonome, qui exprimerait les vertus du génie français dans les formes originales de sa vie. Devrai-je vous définir pour autant notre culture de demain, le butin spirituel dont elle sera chargée, les œuvres d’art, les formes nouvelles de civilisation qu’elle projettera dans le patrimoine commun ? Définition d’un caractère trop subtil, trop pleine d’imprévisible pour que j’ose m’y risquer. Le génie d’un peuple n’est pas quelque chose de statique, de figé, d’achevé. C’est quelque chose d’essentiellement dynamique, en puissance indéfinie de s’enrichir ou de se modifier. Voyez l’écrivain devant son encrier et la page blanche ; le peintre devant ses palettes et son chevalet. De l’œuvre qu’ils médi-

  1. On pourra lire cette conférence dans Constantes de vie (Fides, Montréal, 1967), 69-114.