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Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/108

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LE SURVENANT

de porc apprêtée de toutes les façons, avec, çà et là, des soucoupes pleines de cornichons, de betteraves, de marmelade de tomates vertes et, en plus, des verres remplis de sirop d’érable et de mélasse où l’on pouvait tremper son pain à volonté.

Cependant madame Salvail, en priant les gens âgés de s’asseoir à table, crut poli d’ajouter :

— Y a pas ben, ben de quoi, mais c’est de grand cœur.

Bernadette, de son côté, expliqua à la jeunesse :

— On va laisser le grand monde se régaler. Après, les jeunes mangeront en paix. Et je vous recommande le dessert : il y a des œufs à la neige, de la crème brûlée, de la tarte à Lafayette, de la tarte à la ferlouche, de la tarte aux noix longues. C’est Angélina qui a préparé la pâte : de la pâte feuilletée, avec tous des beaux feuillets minces…

Angélina, confuse, lui fit signe de se taire. La saucière en main, elle offrait à chaque convive à table le gratin de la viande : « Une cuillerée de grévé ? » Elle passa près du Survenant. Celui-ci lui dit à mi-voix :

— Tâchez de me garder de quoi manger.

— Espérez ! lui répondit-elle, modestement, sans lever la vue.

Les filles du Chenal boudaient ostensiblement le Survenant de s’être dérobé, la veille, à la visite du