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Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/124

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LE SURVENANT

à peine à racler dans le givre de la vitre un rond de la grandeur de la main. Les hommes, eux, afin d’accourir plus vite sur les lieux, se coiffèrent du premier casque à la vue. Ainsi des têtes grotesques, ou perdues dans des coiffures trop larges, ou débordant de coiffures étroites, se montraient un peu partout, sans provoquer même l’ombre d’un sourire.

Soudain Eugène Salvail bondit dans la porte, comme un poulain qui a déserté le pré : « C’est… c’est… Odilon Provençal qui se bat avec le Survenant ! »

Alphonsine, toute démontée, poussa du coude Marie-Amanda :

— Quoi c’est que Pierre-Côme Provençal va penser ?

Mais on n’entendait que la voix de crécelle de Laure Provençal qui grinçait d’indignation :

— Aussi, pourquoi garder ce survenant de malheur ? Pour voir si on avait besoin de ça au Chenal du Moine ! Mais il jouit de son reste. Attendez que mon vieux l’attrape par le chignon du cou : il va lui montrer qui c’est le maire de la place.

La colère la fit blêmir. Tout en parlant elle arracha une chape — prête à enjamber les bancs de neige, prête à se battre à poings nus, prête à verser la dernière goutte de sang de son cœur pour épargner une égratignure à son enfant : un homme. — Ses