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Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/159

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LE SURVENANT

me décarêmerai seulement le jour de Pâques au matin. Pas avant.

— Je veux pas vous démentir, père Didace. Pourtant, hier matin, quand vous étiez à faire le train, dans l’étable, vous sentiez pas rien que le petit-lait. Vous aviez le parler dru. Et les animaux filaient doux.

— J’avais pas bu plus que ma botte, je venais de déjeuner.

— Déjeuner ? Aïe ! Pas rien qu’au gros lard, hein ? C’est pas à moi que vous ferez accroire ça.

D’un grand sérieux, Didace expliqua :

— Si tu veux savoir la recette, je vas te la donner : je me casse deux œufs dans un bol de bonne grandeur, je vide dedans un demiard de crème douce, et je le remplis de whisky en esprit. C’est mon déjeuner, quoi !

Puis, subitement pressé, il ajouta :

— Ho ! donc ! qu’on s’en aille à la maison. À c’t’heure que tu connais la manière, tu chasseras le rat tout seul, Survenant. Si tu veux t’en donner la peine, tu devrais en attraper une trentaine par jour, au moins.

— Ouais, on va embarquer. Peut-être ben que votre déjeuner vous attend…

— Il est pas de rien, se dit le père Didace, en riant malgré lui.