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LE SURVENANT

Seulement il y avait le bien à conserver dans l’honneur pour tous ceux qui suivront.

Quand il ne sera plus là, l’homme qui fera valoir le nom des Beauchemin, Didace le cherche, mais il ne le voit pas. L’inquiétude lui venait d’abord sourde, vague, de longue main, difficile à combattre, puis par bouffées, semblable à un mal qu’il avait eu autrefois dans la moelle, un mal mobile, de l’orteil au genou, lui donnant l’envie de décrocher le fusil et de se tirer à la jambe.

Dans le port, les canes criaient, agitées. Une bande de canards sauvages devaient traverser le ciel. Instinctivement Didace regarda le fusil toujours fourbi, toujours chargé, accroché solidement à la crémière solive du plafond, puis il se rendit à la fenêtre. Mais il ne vit que quelques mauves qui planaient au-dessus du chenal à la recherche d’un rivage propice.

— On voit que la saison de chasse avance : les noirs deviennent de plus en plus farouches. Ils volent haut.

Tout s’estompait dans le jeu des ombres crépusculaires. Éparses parmi les champs nus, les maisons au loin, déparées des atours de la frondaison, prenaient l’allure d’austères paysannes attardées à l’ouvrage.