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Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/225

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LE SURVENANT

Plutôt que de marcher à la grande clarté sous les yeux du Survenant, Angélina aurait volontiers desséché là. Pas de lumière. Qu’il ne voie pas comme sa peau est terne, son corps chétif et ses cheveux morts. Une distance de vingt pas séparait sa chaise de la porte. Elle la franchit doucement, hissée sur la pointe des pieds, surveillant sa jambe caduque afin de faire le moins de bruit possible. Quand elle parvint au seuil de la porte, Venant lui demanda :

— T’as pas peur, au moins, belle bergère ?

— Peur ? Personne tentera sur moi, répondit-elle tristement en s’engouffrant dans la nuit.

Dès qu’elle fut dehors, le Survenant courut la rejoindre. L’assemblée s’égrena vite. Les uns et les autres suivirent de près Angélina. Après le départ du dernier, Alphonsine laissa échapper un soupir de soulagement. Amable ne bougeait pas ; le regard froncé, il semblait de pierre. Elle vola à lui, la parole secourable :

— Reprends courage, mon vieux. Ça sera sûrement rien qu’une passée…

Le poing d’Amable, comme des coups de masse, s’abattit plusieurs fois sur la table :

— Si c’était la vérité ! Malheur à elle… la Maudite !

* * *