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Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/227

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LE SURVENANT

à la maison, j’aimerais à le changer pour un piano.

Pauvre Angélina ! prête à tous les sacrifices pour lui. Et ce n’était pas assez. À pleines mains elle puisait dans son cœur d’or pour offrir de nouveau :

— As-tu besoin d’argent ? Je pourrais encore t’en avancer que tu nous remettrais rien que quand ça t’aviendra. Tu nous as assez aidés tout l’été qu’on te redoit plus que ça, il me semble…

— …

— Puis je voulais t’apprendre que mon père est prêt à passer la terre à mon nom. On doit rien dessus, tu sais. Et sans être des richards, on est en moyen. Celui qui me prendra pour femme sera pas tellement à plaindre.

— La femme qui m’aura, réfléchit le Survenant, pourra jamais en dire autant de moi : j’ai juste le butin sur mon dos.

— Dis pas ça, Survenant. T’as du cœur et, travaillant comme tu l’es, tu arriverais pas les mains vides. Quand on est vraiment mari et femme, il me semble qu’on met tout en commun.

Ils allaient lentement au milieu de la route, si préoccupés tous les deux, qu’ils ne prenaient pas garde aux flaques d’eau. Il bruinait et la brume sournoise s’insinuait à travers leurs vêtements. Angélina grelotta. Elle tremblait comme une feuille.

— Rentre vite à la maison, Angélina, tu vas prendre du mal.