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LE SURVENANT

— Voyons, Amable. T’as pas coutume, pourtant…

— Non, mais vous pensez pas qu’elle en a de la grâce de tant prendre de peine pour un passant ?

— On dirait que t’en veux encore au Survenant ? remarqua Marie-Amanda.

— Pas tant comme je la trouve folle à mener aux loges, elle, de verser des larmes pour un fend-le-vent qui prenait son argent et qui allait le boire avec des rien-de-drôle. Et les chimères qu’il lui contait après, c’est pas disable !

— Ce que tu dis là, Amable, je le cré pas, dit Marie-Amanda. Mais si c’est la vérité qu’il était mal bâti de même, il devait se sentir assez misérable, assez honteux, qu’il avait déjà sa punition.

— C’était toujours ben un cœur d’or, prêt à tout donner, affirma Alphonsine. Il avait rien à lui.

— Pas malaisé, quand t’as pas une cenne qui t’adore, répliqua Amable.

Mais Marie-Amanda ne démordait pas de son idée.

— Ce qu’il avait appris, sur les routes ou ailleurs, c’était son bien. Il était maître de le garder et il s’en montrait jamais avaricieux. Ni de sa personne. Ni de son temps. Tu peux pas dire autrement, Amable ?

Amable ne répondit pas.

— De même, reprit Marie-Amanda, tu trouves qu’un pauvre, toujours paré à partager avec son semblable le petit brin qu’il a, est moins donnant