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LE SURVENANT

Desmarais se désolait fort qu’elle restât fille, la trentaine entamée. Il aurait vu d’un bon œil l’avenir d’Angélina assuré par le mariage et, du même coup, comme il prenait de l’âge, le fort des travaux de la terre retomber sur les épaules d’un gendre vigoureux et vaillant.

— Angélina, lui reprochait-il doucement, t’es plus méfiante que l’outarde.

— Faut croire que c’est pas encore le mien ! répondait-elle en manière de consolation.

En face de l’affront, ceux-là mêmes qui eussent fait bon accueil à la terre et au bien, y compris la fille de David Desmarais, se mirent à se moquer entre eux d’Angélina. Mais l’infirme passait, sans un seul regard de ressentiment vers les hardis garçons, pour la bonne raison qu’aucun ne lui disait rien au cœur.

À mesure qu’elle approchait de l’habitation des Beauchemin, le silence et l’immobilité autour du fournil étonnèrent Angélina. À l’idée de trouver ses voisins déjà en hivernement dans le haut côté, en pleine saison de chasse, quand les quais sont encore en place, la grève revêtue de verveux, d’embarcations diverses, ainsi que de parcs et de cages à canards, elle était mécontente. Pourquoi chauffer la grand’maison quand le fournil suffit amplement aux besoins ?