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Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/41

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LE SURVENANT

roisse. Et cette fantaisie qu’il avait de l’appeler la petite mère…

Le Survenant prit place sur un banc de côté, goûta au bouilli, fit une légère moue et dit :

— Je cherche à me rappeler où j’ai mangé du si bon bouilli, à m’en rendre malade…

D’ordinaire silencieux à table, il ne finissait plus de parler, comme par simple besoin d’entendre le son de sa voix :

— Si je pouvais me rappeler…

Il cherchait. Il repassait place après place. Il cherchait encore, dans le vaste monde, nommant aux Beauchemin des villes, des pays aux noms étrangers qui leur étaient entièrement indifférents : le Chenal du Moine leur suffisait. Il chercha en vain. Au bout d’un instant, de sa voix basse et égale, il reprit :

— Je vous ai-ti parlé d’un couque que j’ai connu dans un chantier du Maine ? Il avait le secret des crêpes et des galettes de sarrasin comme pas une créature est capable d’en délayer. Elles fondaient dans la bouche. Seulement on n’avait pas l’agrément d’en parler à table parce qu’il fallait garder le silence.

Alphonsine, vexée, pensa à lui demander :

— C’est-il là, fend-le-vent, que t’as fait ton apprentissage pour si bien savoir retenir ta langue ?

Mais la présence de son beau-père la gêna.