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Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/53

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LE SURVENANT

gagnait ? Sœur enseignante, elle ne pourrait jamais l’être, oh ! non ! mais sacristine ? Elle, habituée aux durs travaux, se regarda avec complaisance repasser les fines dentelles des aubes, glacer la toile de la nappe d’autel. Elle se vit pomponner l’Enfant Jésus pour la crèche de Noël et, ses larges manches relevées, parer le maître-autel, dans un arôme de cire d’abeille. Tant qu’elle aurait un souffle de vie, Dieu et Ses saints ne manqueraient jamais de fleurs sur les autels, aux grandes fêtes de l’Église. De ces fleurs en pots auxquelles les catalogues de grainages donnent des noms latins qui confèrent, même aux plantes les plus ordinaires, une sorte de distinction, il y en aurait partout.

Et vint le jour où elle fit exprès un voyage au presbytère pour parler de sa vocation avec le curé de Sainte-Anne. L’abbé Lebrun hésita à encourager Angélina : il la trouvait débile et bien jeune. Puis son infirmité lui serait un obstacle. Il l’engagea à prier et à attendre quelques années : une bonne enfant ne doit-elle pas en premier lieu assister son père, seul et dans le besoin ?

David Desmarais resta veuf. À mesure que le temps passa, Angélina refoula son rêve et reporta sur les fleurs une partie de sa dévotion. Dès que la terre se réchauffait, on pouvait voir l’infirme agenouillée auprès des plates-bandes, ou penchée au-