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LE SURVENANT

— Où ça, sur le tard de même ?

— À la grand’mare, dans la baie de Lavallière, un peu plus haut qu’À la Prèle.

— Pas à la chasse encore ?

— Beau dommage. Il est toujours pas allé ramasser des framboises. Il va coucher aux noirs, vous le savez ben : son affût est au bord de la baie.

— Pas si raide ! Pas si raidement, la petite mère ! lui reprocha Venant. Puis, se radoucissant, il ajouta : Consolez-vous. J’ai dans l’idée que c’est son dernier voyage de chasse. À soir, toutes les baies seront prises.

Didace ne revint que le lendemain midi, des brins de paille encore accrochés à sa chevelure cotonnée et le visage brûlé par le grand air. En effet, des bordages de glace ourlaient déjà les baies. Après avoir recouvert d’herbe à liens son affût, il avait passé la nuit sur un tapon de paille, à chasser, par un beau clair de lune. Les canards attirés par l’eau de la mare s’y jetaient sans méfiance.

— Puis votre chasse ? demanda Venant.

Le Survenant parlait plus par taquinerie qu’autrement. À plusieurs reprises, au cours de la nuit, il avait entendu le bruit du tir.

— Ma chasse ?

Le père Didace sourit. Sans se hâter, il sortit de la voiture l’étui de cuir où se trouvait le fusil.