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MARIE-DIDACE

Vas-tu devenir fantiseuse à c’t’heure ? ajouta-t-elle en examinant la jeune femme de la tête aux pieds.

Sa joie subitement éteinte, Phonsine, s’efforçant de paraître encore plus maigre, abaissa lentement la vue sur son ventre. Non, personne ne pouvait deviner son état de grossesse. À l’idée qu’un jour elle devrait peut-être abandonner son corps aux mains de l’Acayenne, elle frissonna. Le moment venu de mettre son enfant au monde, elle demanderait à Laure Provençal de l’assister, ou même à Angélina, si Marie-Amanda n’arrivait pas à temps. Elles, sauraient la soigner.

Le père Didace revenait, les pieds gros de neige. L’Acayenne courut à lui, un petit balai à la main :

— Attends, que j’t’époussète la neige !

— Une vraie bordée ! dit le père Didace.

— On en a-t-il encore pour longtemps ? s’impatienta l’Acayenne qui avait hâte d’être au printemps.

Avant de rendre oracle, le père Didace leva la tête :

— Pour toute la journée… la nuitte… et une partie de la journée de demain. Le temps est blanc.

— Miséricorde ! on va ben être enneigés à tout jamais ! Moi qui me fiais sur les patates, qui commencent à avoir des ergots, pour craire que c’était le printemps ! dit-elle en ouvrant le petit tiroir de la commode, dans toute sa grandeur.