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Page:Guèvremont - Marie-Didace, 1947.djvu/124

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MARIE-DIDACE

« C’était d’y rester », se dit Phonsine, l’œil soudain allumé de malice.

Le troisième jour, vers midi, la neige, qui voltigeait plus rare depuis le matin, cessa tout à fait. Alors l’on vit qu’elle avait tout nivelé, comme à la main, à perte de vue : les champs, le chenal, la commune. Dans le ciel blanc, le soleil, rouge sang, s’arrondit puis disparut aussitôt, comme un grand œil blessé qui s’entr’ouvre puis qui se referme sur sa peine. Après, une lueur rose dansa sur la neige, autour des ombres bleues.

À la tombée du soir, on entendit au loin le carillon d’un premier traîneau. Le père Didace se rendit à la fenêtre :

— Ah !… ah !… dit-il, la lune a les deux cornes en l’air. Le frette veut pas encore céder.

Et apercevant le traîneau :

— Qui c’est qui peut ben battre la route à soir ? Faut que ça presse en yâble ! Va donc voir au chemin, Amable !

Amable sommeillait, les pieds en chaussons à l’entrée du fourneau, à se chauffer. Il sursauta :

— C’est pas à notre tour à battre le chemin.

— C’est toujours notre tour de donner un coup de main à quelqu’un de mal pris. Le cheval est à la nage dans la neige. Il en a par-dessus les menoirs.