Aller au contenu

Page:Guèvremont - Marie-Didace, 1947.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
MARIE-DIDACE

devant sa lâcheté étalée nue, comme un grand corps sans honte, elle le tint près d’elle tant qu’il ne s’endormit pas, caressant ses tempes, caressant ses cheveux, caressant ses paupières.

Lorsqu’il fut redevenu paisible, un à un, les doigts de la jeune femme relâchèrent leur étreinte. Et, petit à petit, à travers sa pitié pour lui, perça un sourd regret, croisé de rancœur et de secrète amertume.

À l’heure de surveiller le bien, quand il en était encore temps, Amable se berçait à la chaleur du poêle. Et maintenant il se couchait et versait des larmes. Un homme ! Oppressée, elle veillait, à se tourmenter, tandis que lui reposait, le souffle égal. De toute la journée, pas une fois il ne s’était apitoyé sur elle, condamnée, bien plus que lui, à vivre auprès d’une femme haïe. Et elle portait son enfant, son premier enfant !

Quelque chose d’inassouvi agonisa en elle. Des images troubles hantèrent son insomnie. Elle se souvenait d’avoir entendu des voix de femmes amoureuses dire « le mien » à un mari misérable, mais tendre. Elle voyait le reflet de bonheur sur le beau visage serein de Marie-Amanda, quand elle parlait de son Ludger Aubuchon, malgré une vie austère et pénible, à l’Île de Grâce. Puis, Angélina, la boiteuse, transfigurée, le midi de Pâques, sur le perron