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Page:Guèvremont - Marie-Didace, 1947.djvu/37

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MARIE-DIDACE

lait chaud, de purin et d’eau limoneuse. Tout tangua autour de Phonsine. Pour ne pas chavirer, elle colla davantage sa tête contre le ventre de la vache. La bête, impatientée, fit un écart subit et, d’un coup de sabot, renversa le seau. Au lieu de secourir Phonsine, l’Acayenne éclata de rire.

De l’autre rive, Didace vit le dégât, mais il entendit le rire de sa femme et il eut le cœur joyeux, Caché derrière le gros orme qu’il étreignait à deux mains, il attendit que la chaloupe eût retraversé le chenal pour se repaître de la vue de l’Acayenne. L’eau clapota. La chaîne d’amarre racla le quai et l’Acayenne débarqua, secouant sa jupe d’indienne fleurie que gonflaient ses larges hanches. Un seau de lait à chaque main, la tête renversée et le sourire aux lèvres, elle marchait posément, de son pas cadencé.

— Elle manœuvre ben, se dit le père Didace.

Derrière elle, au delà des îles du nord, le soleil descendait en éventail de pourpre. Ébloui, le vieux ferma les yeux. Il était exaucé dans sa chair, exaucé dans son cœur. Son bonheur lui fit peur. Ah ! si jamais l’Acayenne lui donnait un fils ! L’enfant ne pourrait être que beau et fort. Un vrai Beauchemin !

Tout près le paillis craqua. Mais, dans son extase, Didace n’en eut pas connaissance. Soudain Amable