Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/261

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gnées contre le chemin, les autres au fond d’une petite cour où fleurissait un lilas, où rôdaient des poules sur le fumier chaud, où des escaliers à rampes de bois grimpaient en plein air à des portes dans le mur. Des paysans travaillaient lentement devant leur logis à des besognes domestiques. Une vieille femme courbée, avec des cheveux grisâtres et jaunes malgré son âge, car les ruraux n’ont presque jamais les cheveux vraiment blancs, passa près de lui, la taille dans un caraco déchiré, les jambes maigres et noueuses dessinées sous une espèce de jupon de laine que soulevait la saillie de la croupe. Elle regardait devant elle avec des yeux sans idées, des yeux qui n’avaient jamais vu que les quelques simples objets utiles à sa pauvre existence.

Une autre, plus jeune, étendait du linge devant sa porte. Le mouvement des bras retroussant la jupe montrait en des bas bleus de grosses chevilles et des os au-dessus, des os sans chair, tandis que la taille et la gorge, plates et larges comme une poitrine d’homme, révélaient un corps sans formes qui devait être horrible à voir.

Mariolle pensa : « Des femmes ! Ce sont des femmes ! Voilà des femmes ! » La silhouette de Mme de Burne se dessina devant ses yeux. Il l’aperçut exquise d’élégance et de beauté, bijou de chair humaine, coquette et parée pour des regards d’hommes ; et il tressaillit de l’angoisse d’une irréparable perte.