Page:Guy de Maupassant - Une vie.djvu/9

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parfois trop aiguë ; mais son rire franc jetait de la joie autour d’elle. Souvent, d’un geste familier, elle portait ses deux mains à ses tempes comme pour lisser sa chevelure.

Elle courut à son père et l’embrassa, en l’étreignant : « Eh bien, partons-nous ? » dit-elle.

Il sourit, secoua ses cheveux déjà blancs, et qu’il portait assez longs, et, tendant la main vers la fenêtre :

— Comment veux-tu voyager par un temps pareil ?

Mais elle le priait, câline et tendre : « Oh, papa, partons, je t’en supplie. Il fera beau dans l’après-midi.

— Mais ta mère n’y consentira jamais.

— Si, je te le promets, je m’en charge.

— Si tu parviens à décider ta mère, je veux bien, moi. »

Et elle se précipita vers la chambre de la baronne. Car elle avait attendu ce jour du départ avec une impatience grandissante.

Depuis son entrée au Sacré-Cœur elle n’avait pas quitté Rouen, son père ne permettant aucune distraction avant l’âge qu’il avait fixé. Deux fois seulement on l’avait emmenée quinze jours à Paris, mais c’était une ville encore, et elle ne rêvait que la campagne.

Elle allait maintenant passer l’été dans leur propriété des Peuples, vieux château de famille planté sur la falaise près d’Yport ; et elle se promettait une joie infinie de cette vie libre au bord des flots. Puis il était entendu qu’on lui faisait don de ce manoir, qu’elle habiterait toujours lorsqu’elle serait mariée.