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Page:Guyau - Les Problèmes de l’esthétique contemporaine.djvu/116

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nous paraît aujourd’hui facile à saisir et relativement peu compliquée pour l’harmonie comme pour le rythme ! Dès maintenant, nous ne pouvons plus nous contenter d’une mélodie simple soutenue par un accompagnement simple ; peut-être, dans quelques siècles, nous faudra-t-il un enchevêtrement de mélodies comme on en rencontre dans les symphonies de Beethoven et dans les belles pages de Wagner. Quoi qu’il en soit, la musique est bien plutôt en voie d’évolution que de dissolution.

Quant à la poésie, selon le rêve de Strauss elle constituerait, avec la musique, la religion de l’avenir. M. Renan, au contraire, désespère de sa vitalité ; il s’appuie sur ce que la poésie grecque est morte, l’épopée morte, la tragédie morte : la science, en inventant la poudre, les canons et les fusils à aiguille, nous a enlevé les Homère et les Virgile de l’avenir. — Peut-être, mais d’autres génies sont nés et peuvent naître, qui n’ont guère de commune mesure avec ceux du passé. Si l’on nous donnait à choisir entre Shakspeare et Virgile, il serait permis d’hésiter. La poésie lyrique a de nos jours remplacé l’épopée ; faut-il s’en affliger outre mesure ? L’épopée classique ne pouvait vivre sans le merveilleux ; le merveilleux se réduit à quelque chose d’impossible et de faux en soi ; même au point de vue purement esthétique, est-il probable que l’épopée constitue le « genre » suprême de beauté ? Si nos canons n’avaient jamais tué qu’elle, ils seraient plus innocents qu’ils ne le sont. Au reste, nous avons eu, même de nos jours et malgré nos canons, des équivalents modernes de l’épopée, comme la Légende des siècles. La tragédie grecque avec ses