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Page:Guyau - Les Problèmes de l’esthétique contemporaine.djvu/224

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même, rien d’habitude ne « patauge dans ses strophes[1]. » Les poètes et les esthéticiens modernes s’appuient sur une analyse inexacte du vers même de V. Hugo, quand ils font des alexandrins sans aucune césure au sixième pied. Le sixième pied doit toujours être pourvu d’une syllabe sonore, portant accent tonique, et sur laquelle la voix ghsse parce qu’elle le veut bien, non parce qu’elle ne peut faire autrement. Donc, rien d’inacceptable comme ces mots placés à cheval sur l’hémistiche par les poètes contemporains, ou ces articles qui appellent le substantif retenu dans l’autre moitié du vers, ou ces que et ces qui cherchant en vain à se poser, comme une jambe boiteuse. Tous les articles, pronoms ou conjonctions (surtout ceux d’une syllabe), tous les mots qui n’ont pour ainsi dire pas d’existence indépendante des mots suivants, ne peuvent être placés au sixième pied. Si encore un poète prenait une fois en passant des libertés pour introduire dans le vers une expression vraiment forte, qui le déborde et le brise pour ainsi dire, on pourrait le comprendre à la rigueur ; c’est au contraire

  1. Il a écrit à propos du « vers romantique, » donnant à la fois le précepte et l’exemple :


    L’alexandrin saisit la césure, — et la mord.


    Ses disciples couperaient ce vers comme nous le coupons ici, et croiraient que la césure de riiémisliche n’existe plus. Elle existe toujours, et pour le prouver il suffit de forger le vers plat qui suit, où l’on n’observe plus en rien le repos de l’hémistiche :


    La césure dans l’alexandrin disparaît.


    Elle a si bien disparu ici, que ce n’est plus un vers.