Aller au contenu

Page:Guyau - Les Problèmes de l’esthétique contemporaine.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore avec la volonté qui meut le corps et les membres ; l’énergie de cette volonté peut donc nous séduire plus que le jeu facile des organes ; le but poursuivi par elle peut nous attirer plus qu’un mouvement sans but ; enfin il vient un instant où l’on compte presque pour rien les membres, réduits au rôle d’instruments, tendus et ployés comme l’arc qui doit lancer la flèche, parfois brisés dans leur effort même. Le messager de Marathon, représenté par les sculpteurs grecs, avait beau être couvert de sueur et de poussière et refléter dans ses traits l’épuisement de l’effort, l’agonie commençante : il avait, pour se transfigurer et devenir sublime, la branche de laurier qu’il agitait au-dessus de sa tête ; cet homme brisé, mais triomphant, est comme le symbole du travail humain, de cette beauté suprême qui n’est plus faite de parcimonie mais de largesse, d’aisance mais d’effort, et où le mouvement n’apparaît plus seulement comme le signe et la mesure de la force dépensée, mais comme l’expression de la volonté et le moyen d’apprécier son énergie intérieure.

__________