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Page:Guyau - Les Problèmes de l’esthétique contemporaine.djvu/88

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a généralement pour base, pour pédale, comme on dirait en musique, des sensations agréables ; mais ces sensations ont ébranlé le système nerveux tout entier : elles deviennent dans la conscience une source de pensées et de sentiments. Le passage d’un bruit isolé à un accord, d’une voix solitaire à une symphonie, correspond au passage de la sensation simple à l’émotion esthétique. Au reste, il n’est pas de sensation qui soit vraiment simple, pas plus qu’il n’est de son simple ; il n’est pas de plaisir purement local dans lequel ne résonnent une foule de jouissances associées, comme résonnent dans une note les notes harmoniques dont l’ensemble constitue le timbre. Puisque les Allemands ont déjà appelé tonalité le caractère agréable ou désagréable de la sensation, on nous permettra d’appeler timbre la combinaison esthétique des plaisirs, les uns dominants, les autres éveillés par association, parfois mêlés de quelques douleurs ou tristesses confuses, comme de dissonances propres à relever l’harmonie de l’ensemble. C’est surtout dans ce timbre de la sensation que, selon nous, il faut placer le beau.

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