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Page:Guyau - Les Problèmes de l’esthétique contemporaine.djvu/94

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corrections. Résumons les principales. Selon M. Spencer et son école, l’idée du beau exclut : 1o ce qui est nécessaire à la vie ; 2o ce qui est utile à la vie ; 3o elle exclut même en général tout objet réel de désir et de possession pour se réduire au simple exercice, au simple jeu de notre activité. Selon nous, au contraire, le beau, se ramenant en somme à la pleine conscience de la vie même, ne saurait exclure l’idée de ce qui est nécessaire à la vie ; la première manifestation du sentiment esthétique, c’est le besoin satisfait, la vie reprenant son équilibre, larenaissance de l’harmonie intérieure, et c’est là ce qui fait la beauté élémentaire des sensations. De même, le beau, loin d’exclure ce qui est utile, présuppose l’idée d’une volonté accommodant spontanément les moyens aux fins, d’une activité cherchant à dépenser le minimum de force pour atteindre un but. De là résulte la beauté des mouvements. Pour être beau, un ensemble de mouvements a besoin qu’on lui reconnaisse une certaine direction dominante ; il faut donc qu’il soit d’abord l’expression de la vie, ensuite d’une vie intelligente et consciente. Enfin le beau, loin d’exclure l’idée du désirable, s’identifie au fond avec cette idée. Beau et bon ne font qu’un, et cette unité, visible dans nos sentiments, se laisse pressentir dans les mouvements ou dans les sensations. Le beau, au lieu de rester quelque chose d’extérieur à l’être et de semblable à une plante parasite, nous apparaît ainsi comme l’épanouissement de l’être même et la fleur de la vie.


Les grandes émotions esthétiques sont en général très