Aller au contenu

Page:Guyot - Les principes de 89 et le socialisme.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

N’allez pas émettre une idée nouvelle, car immédiatement on vous répondra : — Personne n’est de votre avis ! tout le monde est du mien !

Quand Galilée déclarait que la terre tournait, il était seul de son opinion, preuve que les gens qui se trompent peuvent additionner leurs ignorances et leurs erreurs sans en faire des vérités.

L’homme est entraîné à ce préjugé de l’opinion commune par la loi du moindre effort. Il est sûr d’être applaudi, d’arriver à tous les succès et, en la choyant, d’être choyé. Les convenances de la pensée et de l’intérêt s’accordent trop bien pour que, dans la plupart des cas, toute velléité de résistance ne soit pas promptement écartée. Seulement cette opinion commune n’est pas toujours consciente d’elle-même ; elle ne sait pas exactement où elle s’arrête ni où elle va ; elle est susceptible de retours imprévus. L’homme à prejugés solides vire avec elle. Où pourrait-il aller, livré à sa décision personnelle ?

En un mot, la plupart des hommes ne peuvent invoquer à l’appui de leurs opinions que les arguments suivants :

— Mon père l’a dit.

— Un tel l’a dit.

— Je l’ai toujours eue.

— Tout le monde est de mon avis.

Que représente cette aptitude aux préjugés ? — Le besoin de fixité.

Paul aura beau déclarer qu’il ne veut rien décider en raison d’idées préconçues, il en a, et sur toutes les questions : ou s’il n’en a pas, il n’est qu’une girouette