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Page:Guyot - Les principes de 89 et le socialisme.djvu/77

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n’y avait qu’une raison : l’intérêt du maître qui usait de son apprenti comme d’une machine passive.

L’engagement de l’apprenti avait lieu devant témoins et était irrévocable. Livré tout entier à son maître, soumis à tous ses caprices et à toutes ses exigences, l’apprenti n’était pas admis à déposer contre lui devant les prud’hommes. Si, accablé sous les coups, écrasé de misère, il prenait la fuite, nul ne pouvait lui donner asile. Il devait être ramené et livré à son patron. C’était un serf. Comme d’un serf son patron pouvait en tirer parti. Il y en avait qui trafiquaient de leurs apprentis et les revendaient avec bénéfice.

Tous les règlements parlent des devoirs de l’apprenti : aucun, sauf celui de la corporation des drapiers, ne parle des obligations du maître.

Même à ces conditions, c’était une faveur que d’obtenir le droit d’être apprenti. Leur nombre est limité : les crépiniers ne peuvent en prendre qu’un ; les tanneurs et les maîtres teinturiers, deux. Dans certaines professions le maître ne pouvait prendre d’apprentis pendant les trois premières années de son établissement.

Le fils de maître était, lui, ouvrier de naissance.

L’apprentissage terminé, l’ouvrier s’appelait « valet ». Cette expression montre bien sa position.

Le nombre des valets que peut employer un maître est limité comme le nombre des apprentis. Le maître fourbisseur ne peut en avoir plus d’un. Si le travail presse, qu’un client ne s’avise pas, ne pouvant faire exécuter sa commande par un maître, de s’adresser à un valet : le valet doit refuser, dût-il mourir de faim, car il empiéterait sur le privilège du maître.