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Page:Héricourt - La Femme affranchie.djvu/100

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Dans la famille, elle est mineure ; ses droits de tutelle sont inférieurs à ceux de l’homme ;

Au point de vue des mœurs elle est presque abandonnée aux passions de l’autre sexe : elle en porte seule les conséquences.

Jugée faible, inintelligente, incapable, quand il s’agit de droits et de fonctions, elle est, par une contradiction flagrante, réputée forte, intelligente, capable, lorsqu’il s’agit de morale, lorsqu’il s’agit d’être punie quand, fille majeure ou veuve, il est question de se gouverner et de régir sa fortune. Et des gens, dont le cerveau s’est crétinisé dans la vase du moyen âge, en présence de notre situation, osent s’écrier : Les femmes ! Mais elles sont libres ! Elles sont heureuses !

Que signifient donc les réclamations des plus braves d’entre elles ?

Ces Messieurs sont maîtres de notre fortune, de notre dignité, de nos enfants ; ils peuvent nous ôter notre nationalité, dissiper notre bien, le produit de notre travail et de notre bonne administration avec des maîtresses ; nous torturer sans témoins, nous faire mourir de douleur et de honte ; nous conduire sous le canon ou sur le bord d’un marais dont l’air nous tuera ; nous contraindre à subir mille affronts, à leur livrer les biens que notre contrat nous avait réservés, soit en nous intimidant, soit en nous menaçant d’éloigner nos enfants ; ils ne nous laissent d’emplois que ceux qui les ennuient ou ne leur semblent pas assez lucratifs, et puis, après cela, ils sont étonnés de nos plaintes, de nos protestations, de notre révolte !

L’auteur. Ne vous passionnez pas contre eux : riez-en, Madame ; ce sont les mêmes hommes qui veulent être libres