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Page:Héricourt - La Femme affranchie.djvu/142

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dès l’enfance à te soumettre à la Raison ; qui sais que toute réalité est imparfaite ; que l’habitude amortit les sentiments. Tu prendras donc l’homme qui te convient, tel qu’il est, te proposant de l’améliorer, de le rendre heureux ; sachant d’avance que son amour se transformera sans s’éteindre, si tu sais si bien t’emparer de sa tendresse, de sa confiance et de son estime, qu’il trouve auprès de toi bon conseil, paix, aide et sécurité.

Tu es trop pure, ma fille, pour prévoir tous les pièges qui te seront tendus. C’est donc à moi d’armer ta jeune prudence : tu trouveras peut-être sur ta route des hommes mariés ou engagés à d’autres femmes qui, selon l’expression consacrée te feront la cour, et te débiteront mille sophismes pour justifier leur conduite.

— Leurs sophismes, ma mère, échoueraient contre cette simple réponse : Monsieur, comme je serais désespérée qu’une femme m’enlevât celui que j’aime, que je la mépriserais et la haïrais, tous vos compliments ne pourront me persuader que je doive faire ce que je ne voudrais pas qu’on me fît. Si vous y revenez, je préviens la personne intéressée.

— C’est bien, mon enfant : mais si un jeune homme libre te parlait de tendresse, t’écrivait en secret ?

— Ne pourrait-il avoir de bonnes raisons pour en agir ainsi, ma Mère ?

— Aucune, mon enfant. Il faut que tu saches qu’aujourd’hui les hommes sont très corrompus ; qu’une foule d’entre eux fuient le mariage, voltigent de femme en femme, abusent de notre crédulité, et se servent du langage le plus passionné pour nous jeter dans une voie de honte et de perdition. Or, mon enfant,