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Page:Héricourt - La Femme affranchie.djvu/275

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Elles sauront que la base du Droit est la liberté et l’égalité, elles aimeront et pratiqueront cette doctrine ; vous ne pourriez donc, sans contradiction, leur représenter le monde futur comme une royauté despotique avec une hiérarchie de sujets.

Songez sérieusement à ce que je viens de vous dire, Madame ; car votre responsabilité est des plus graves : il ne vous est permis, sous aucun prétexte, de contribuer à mettre la contradiction et le désordre dans la société, en les mettant dans l’intelligence et le cœur de vos élèves. Il faut que tout, en elles, converge vers un même but : donnez-leur donc une Religion qui, bien qu’au dessus de la Raison, ne lui soit pas contradictoire ; qui, bien que n’étant la source d’aucun Droit ni d’aucun Devoir, appuie cependant l’un et l’autre.

Quelle que soit la vivacité de leur foi, vos élèves seront tolérantes et préservées de la folie mystique, car une nuance raisonnable de doute planera sur leur croyance : elles se diront sagement : je crois, mais je ne sais pas ; et l’humanité a déjà passé par tant d’hypothèses ! Les autres consciences individuelles ont, comme moi, l’aspiration religieuse, la croyance en l’immortalité personnelle ; nous varions sur les détails ; absolument parlant, qui se trompe ? Tous nous croyons avoir raison ; vivons donc en paix jusqu’à la démonstration de l’erreur par les faits ; ou, si nous discutons, que ce soit en frères.

Vos élèves seront assez imbues de l’idéal social moderne, pour comprendre que la Religion est une manifestation individuelle, non une manifestation sociale ; que l’État, qui représente la collectivité, ne peut légitimement s’inféoder à une secte quel-