Aller au contenu

Page:Hérodien - Histoire romaine, depuis la mort de Marc-Aurèle jusqu'à l'avénement de Gordien III (trad Léon Halévy), 1860.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et à leur former un caractère de fer et de sang. Comme ils recevaient la mort sans peine, ils la donnaient sans remords ; ils voyaient couler le sang comme l’eau… Quel peuple que celui où les gladiateurs pleuraient de douleur de ce que, cette sorte de spectacle étant devenue plus rare sous Tibère, ils n’avaient plus si souvent le plaisir de tuer et de se faire tuer, où malgré l’opprobre attaché à ce vil métier de gladiateur, des chevaliers, des sénateurs, des femmes même, jusqu’à des empereurs, s’empressèrent de descendre dans l’arène, comme si ce peuple féroce eût trouvé dans le meurtre, dans le spectacle de la mort, dans la vue du sang et des blessures, je ne sais quel inconcevable raffinement de volupté, qu’il ne balançait pas d’acheter, même au prix du déshonneur. »

Si la férocité était alors dans les mœurs et dans les instincts de la nation, elle était pour les empereurs presque une nécessité de leur situation, et de la monstrueuse constitution romaine qui, les soumettant à un sénat tour à tour esclave et maître[1], les obligeait de subvenir

  1. Le sénat avait toute l’administration civile, le droit de jugement dans toutes les causes importantes, et la moitié des provinces de l’empire. L’empereur avait les armées, la puis-