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Page:Haeckel - Religion et Évolution, trad. Bos, 1907.djvu/38

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venir de la « raison absolue ») — parce qu’elle est précisément, un développement systématique de l’idée fondamentale de l’évolution. Mais cette soi-disant « évolution de la raison » planait fort au-dessus de la nature, dans le pur éther de l’esprit absolu, affranchie de tout le bagage matériel entassé, pendant ce temps, par l’histoire empirique du développement du cosmos, de la terre et des organismes qui la peuplent. Et d’ailleurs, on sait que Hegel lui-même a déclaré avec une douloureuse résignation, que parmi tous ses nombreux élèves un seul l’avait compris, qui l’avait mécompris[1].

Du point de vue plus élevé de l’histoire générale de la civilisation, une embarrassante question se pose : quelle valeur accordait-on à l’idée d’évolution dans l’ensemble de la science ? La réponse ne peut être que celle-ci : infiniment variable ! Les phénomènes du développement individuel, de l’ontogénie, se présentaient sous une forme palpable ; le développement de l’écorce terrestre et de ses montagnes, en géologie, paraissait fondé empiriquement avec une égale certitude ; le développement physique du cosmos semblait établi par la spéculation mathématique ; dans tous ces grands domaines, il n’était plus sérieusement question d’une création, au sens propre du terme, d’une construction conforme à un plan et due à un créateur personnel. Mais on n’en défendait que plus énergiquement cette thèse sitôt qu’il était question de l’apparition des innombrables espèces animales et végétales et, en particulier, de la création de l’homme. Ce problème transcendental semblait totalement étranger au développement naturel, de même que la question de l’origine et de la nature

  1. Philosophie et doctrine de l’évolution. — La philosophie allemande, telle qu’elle est officiellement représentée dans nos universités, est, aujourd’hui encore, surtout une métaphysique, qui croit pouvoir se passer des bases empiriques de la science naturelle. C’est pourquoi, faute de connaissances biologiques et faute de comprendre leur portée, la philosophie s’est comportée, la plupart du temps, vis-à-vis de la doctrine moderne de l’évolution, soit avec indifférence, soit avec hostilité.