Aller au contenu

Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

teur, car c’est visiblement un portrait) dont le profil se découpe sur un ciel clair.

En ces années, les relations de Titien avec Mantoue et Ferrare sont de plus en plus étroites et fréquentes. Au marquis Federico, il offrait, en 1527, les portraits de deux personnages notables, celui de Girolamo Adorno, jurisconsulte ami du marquis, et celui du fameux Pierre Arétin. Ce personnage fort décrié depuis et dès lors moins estimé que craint, ce patron des maîtres chanteurs s’était réfugié à Venise. Dans une société voluptueuse et peu embarrassée de scrupules, il régnait par son cynisme hardi et par ses impudentes adulations, tirant de grasses prébendes de l’amour-propre et de la pusillanimité des grands. Malgré sa basse naissance et sa culture médiocre, l’Arétin, de verbe haut et de verve sonore, d’intelligence souple, en imposait par ses allures décidées et son imperturbable assurance. Il devint à Venise l’arbitre des réputations et des élégances. Il avait du brillant dans l’esprit, un vif sentiment de l’art, une rare désinvolture. Sans doute, il séduisit Titien par son savoir-faire et par une admiration à la fois intéressée et sincère, en le persuadant du crédit qu’il avait auprès des puissances. Bien que l’on ait quelque répugnance à voir l’intimité d’un grand et pur artiste avec le condottiere de la plume, il faut bien constater que le peintre donnait à l’écrivain le droit de l’appeler son compère. Avec le grand architecte sculpteur Sansovino ils formèrent un triumvirat, et dans la maison de Biri Grande où Titien menait grande et large vie, l’Aré-