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Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/98

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troupes impériales en Italie et résidant à Milan, se fit représenter par lui haranguant ses soldats. Cette œuvre, qui est maintenant au Prado, a beaucoup souffert de deux incendies à l’Escurial et au château de Madrid ; repeinte presque entièrement, elle n’a pas gardé grand chose du charme propre au maître. C’est une toile d’intérêt secondaire qu’un portrait fantaisiste de la reine de Chypre costumée en sainte Catherine, mais rien n’est plus naïvement gracieux ni d’une plus délicate saveur de coloris qu’un portrait d’enfant de cette même année 1542 : La petite Strozzi, cette fillette de quatre ans environ, aux cheveux bouclés, aux yeux mutins, en robe blanche, d’une immobilité si remuante, qui caresse un petit chien posé sur une table de marbre. Surtout rien de plus fort, picturalement parlant, qu’un portrait anonyme du musée de Cassel. Il représente un homme jeune encore, bien pris et râblé dans sa petite taille, à la barbe drue et courte, aux traits nets et menus, coiffé d’un chapeau ducal en plumes rouges, en élégant costume rouge et or, qui se dresse sur le ciel avec une réalité altière, avec une crâne désinvolture, dans un paysage admirable de verdures profondes, d’eaux limpides et de montagnes vaporeuses. Le métier est incomparable ; la touche d’une fougue savante et d’une soudaine justesse. Nul, pas même Velasquez, ne dépassera le nerf et la largeur d’une pareille exécution. C’est une conquête sur la nature que cette maîtrise du pinceau qui incorpore la couleur à la lumière, et la consistance du modelé au frémissement de