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Page:Hamont - Dupleix d’après sa correspondance inédite, 1881.djvu/143

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relations avec les grands seigneurs qui entouraient l’usurpateur. « Il y a là, disait-il, des jalousies à exciter, des haines mal endormies à réveiller. Si l’on sait jouer, d’ici à peu nous verrons sur le champ de bataille de grosses défections. Favorisez-les. »

Dupleix lui-même écrivait à Naser-Singue ; il lui envoyait des présents, et spéculant sur l’ivrognerie bien connue de celui-ci, il lui faisait parvenir force bouteilles de la meilleure eau-de-vie de Cognac. Cependant, les négociations n’avançaient pas ; Naser-Singue ne pouvait se décider à relâcher son prisonnier. Il traînait en longueur, promettait tout pour le lendemain, et le lendemain, c’était à recommencer.

Au fond, l’attitude de l’ennemi provenait autant et peut-être plus de l’indécision que de la perfidie ; mais la politique de Naser-Singue n’en avait pas moins un effet délétère : ces retards, ces pourparlers interminables faisaient sourire les Hindous, flattés dans leur orgueil national par la supériorité de leur diplomatie. Ils ne se doutaient pas qu’en réalité c’étaient les Français qui sortaient vainqueurs de ces entrevues. Nos ambassadeurs avaient en effet réussi à semer les germes d’un complot qui devait plus tard coûter à Naser-Singue la couronne et la vie ; mais toutes ces manœuvres restaient secrètes ; on ne voyait que notre insuccès apparent. Notre prestige s’en allait peu à peu, et Dupleix voulait à tout prix le maintenir. Il fallait donc démontrer de nouveau que nos troupes n’avaient perdu ni la vigueur ni l’intrépidité dont elles avaient fait preuve à Saint-Thomé et à Ambour ; mais Dupleix n’était pas d’avis de risquer une action générale au lendemain de la désertion des officiers,