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Page:Haraucourt - L’Âme nue, 1885.djvu/240

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LE SOIR.


Filant, puis revenant sur son propre sillage,
Il refaisait sans fin son tranquille voyage.

Le grand vaisseau sans mâts n’allait vers aucun port,
Et nul être vivant ne chantait à son bord.

Il avait oublié les labeurs, les orgies,
L’espoir, la guerre, et la douleur des nostalgies.

Pilote, passagers, mousses et matelots,
Tous dormaient, confiants dans la douceur des flots.

Et la mer les berçait, berçait sur sa clémence,
J’ai souhaité dormir dans cette paix immense.

Et j’ai voulu monter sur le vaisseau perdu ;
Et j’ai crié vers lui, mais rien n’a répondu.

J’ai vu six lettres d’or sur sa plaque d’ivoire,
Puis il s’en est allé… « Croire ! » Il s’appelait Croire.