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Page:Haraucourt - L’Âme nue, 1885.djvu/35

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LA VIE EXTÉRIEURE.



J’ai vécu dans la vie immense et multiforme ;
Et comme saint Lazare exultant du tombeau,
Je renaissais de moi dans mon cercueil énorme,
     Toujours épars, toujours nouveau.


Poudre innomée, essence instable et vagabonde !
Les nuages m’ont bu, les volcans m’ont craché,
Éphémère immortel dans la masse du monde,
    Tour à tour visible et caché !


Mon cœur errant et froid s’est figée sur les pôles ;
Ma chair torride a cuit au brasier des déserts ;
Les Atlas m’ont senti neiger sur leurs épaules ;
    L’aigle m’a traîné par les airs !

 
J’ai fleuri dans les fleurs, j’ai chanté dans les brises,
Et mon âme a vibré dans les blés des moissons ;
Je fus le duvet chaud dont les fauvettes grises
     Ouataient leurs nids sous les buissons…