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Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/186

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LA PEUR

— J’ai tué parce que tu m’as trompé.

— Chacun est le seul maître de son corps. J’avais le droit de préférer un autre amour ; et tu n’avais pas le droit de me tuer.

— Oui, Berthe, ta faute fut légère, si elle existe ; la mienne fut atroce. Je le sais maintenant.

— Trop tard.

— Pardonne-moi !

— Laisse-moi.

À partir de cet instant, le regard de Berthe n’a plus voulu répondre. J’ai cru voir qu’il s’endormait. Je fus horriblement seul.

Je dois supposer que mon délire prit alors un caractère plus proche encore de la folie, car, désormais, tout se brouille dans mon souvenir. J’y retrouve pourtant un îlot de clarté, et je me souviens de ceci : par intermittence, je poussais mon cri maniaque, dans l’air fétide. L’odeur de la chambre avait empiré. Une espèce de buée opalisait les vitres, et le soleil la diaprait en passant au travers. Les feuillages du jardin, remués par le vent, secouaient leur ombre sur la vitre et sur le tapis ; j’observais cette fluctuation de lumières et d’ombres ; ma tête tournait à les voir ; tout