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Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/196

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LA PEUR

qui, dans les premiers temps du deuil, avaient été quotidiennes ; la veuve s’est résignée à obéir, mais son occupation perpétuelle consiste à décompter les heures qui la séparent du moment où il lui sera permis de retourner vers les restes de son époux. Le jour du crime, sa belle-mère s’attacha vainement à la dissuader, en raison du mauvais temps, d’effectuer le pèlerinage ordinaire ; la jeune femme répondit :

« — Il doit avoir si froid, là-bas, dans la neige ; il aurait encore plus froid, s’il voyait que je l’abandonne… etc. »

Le 9 février, la dame Léon Derouville, dont l’état s’améliore, peut enfin être interrogée ; elle dépose :

« Je suis arrivée au cimetière vers une heure et demie ; il était tout blanc de neige et absolument désert ; cette grande solitude m’a serré le cœur, à cause du pauvre ami qui me paraissait plus abandonné que jamais ; je croyais l’entendre pleurer et j’ai hâté le pas, pour le rejoindre plus vite ; le chemin m’a paru bien long et j’avais une espèce de peur. Je n’ai rencontré personne dans les allées, mais, tout d’un coup, au tournant d’un sen-