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Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/20

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vi
PRÉFACE

On battait des mains, dans ces instants où la magique évocation du verbe ressuscitait sous ton crâne, avec toute leur atrocité première, les spasmes de l’idée qui naît, qui sort et qui crie en venant au monde, comme un enfant de douleur que véritablement elle est !

En somme, parce que Rollinat restait poète à toutes les minutes, et intensément poète, on jugea qu’il cessait de l’être pour devenir le colporteur de sa chanson. Peut-être que devant sa tombe et la façon dont il y descendit, on comprendra mieux combien ce fantastique rêveur fut sincère et le fut toujours, puisqu’il mourut de l’être trop.

La méprise dont il fut victime est facilement explicable. Avec une candeur d’enfant, avec un besoin inné de sympathie et de confiance, imaginant que la douleur est universelle et prenant toute curiosité pour une communion fraternelle, il se prêtait à quiconque voulait bien regarder en lui : on n’avait qu’à se pencher pour voir, et le jeu de sa vie intérieure se déclanchait automatiquement ; il ne résistait à personne et se livrait à tous ; mais parce qu’il se donnait si aisément on jugea qu’il se produisait, et la torture visible à toute heure apparut comme l’effet d’un art qui débite des imitations.

On ne s’est pas contenté de dire qu’il s’imitait