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Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/85

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SUR LA ROCHE

vernail venait de casser sous l’effort. Le bateau se redressa d’un bond, comme une bête fouettée, et la voile frénétique claqua, à droite, à gauche, tirant sur le mât qui grinçait.

— Gare dessous !

Le marin se rua sur les étais, qu’il dégageait, fébrile : il en eut le temps et la voile s’écroula. Les femmes glapirent de nouveau.

— Paix, garces !

Accroupies dans l’eau, accrochées aux bancs, elles pleuraient, et le bateau, sans gouvernail, partit à la dérive, en sautant sous le choc des vagues, dans la tempête déchaînée.

— On va couler !

— Faut bien que ça arrive, un jour ou l’autre.

Du noroît, une fumée d’embruns s’avançait sur la mer, en tourbillon blafard, et tordait la crête des vagues. Pour s’en faire un gouvernail contre l’assaut, Lekor empoigna un aviron, et regarda venir. La lourde masse d’eau arrivait en sifflant : sous le choc, l’aviron cassa net, et le marin tomba sur les genoux, pendant que la coque craquait de