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les demi-civilisés

sée d’entomologie ? Sous des couvercles de verre, chatoient mille insectes rigides et superbes. Il y en a de bleus, de rouges, de verts, de diaprés, de noirs, de blancs, de gris, de dorés, d’arc-en-cielés. Quelle mosaïque de couleurs et d’ailes ! La nature et la vie ont mis toute leur coquetterie à disposer de façon séduisante les plus subtiles poussières de la terre et de l’air. Ne portent-ils pas des noms étranges, ces papillons ? Apollon, aurore, grand nymphale, sphinx, phalène, paon de nuit, que sais-je ? On les regarde d’abord avec une surprise joyeuse, puis on s’afflige de les voir immobiles, roides, éternellement fixés. Ils sont morts, les petits papillons qui offraient leur corsage doré au soleil, ils sont morts pour s’être enivrés des parfums des fleurs au moment où rôdait l’homme…

— L’homme, c’est nous ?

— Vous l’avez dit. Un à un, on les a crucifiés pour satisfaire un plaisir ou enrichir une vanité… Vous aussi, Max Hubert, vous êtes en train de devenir un collectionneur. S’il vous arrive de me capturer, vous m’étiquetterez, et je serai à la surface de votre mémoire, un nom, une paire d’ailes.

— Ignorez-vous que je suis l’homme d’une femme ?

— C’est ce qui vous trompe. J’ignore combien vous avez aimé de femmes. Vous n’en êtes pas à la première. À chacune, vous avez dit qu’elle était votre rêve, la vie de votre vie, le cœur de votre cœur. Dois-je croire que vous avez menti à chacune ? Vous disiez